Le paradis déchu du golf de Bali, ou l'autre fiasco de Donald Trump
Bouteilles de bière et chaises en plastique cassées jonchent les allées du parcours de golf sur l'île touristique de Bali en Indonésie, où des travailleurs licenciés se lamentent devant les promesses non-tenues d'une station balnéaire six-étoiles signée Donald Trump.
Il y a près d'une décennie que l'ancien magnat de l'immobilier avait signé un accord pour donner son nom au Nirwana Golf Resort. Le complexe, qui offre une vue idyllique sur l'Océan Indien, avait même été qualifié de "projet de rêve" en 2019 par Donald Trump Junior, le fils de l'ex-président américain.
Mais aujourd'hui les mauvaises herbes ont envahi le parcours de golf -un autre fiasco pour Donald Trump, dont les six faillites de casinos et d'hôtels ont fait des milliards de dollars de dettes et affecté des milliers de vies.
"Il n'y avait rien de clair pour notre avenir. On avait entendu dire qu'ils nous reprendraient mais cela ne s'est jamais produit", déplore Ditta Dwi, autrefois "caddie", chargée d'accompagner les golfeurs avec leur matériel.
L'accord noué en 2015 entre la Trump Organization et le promoteur indonésien MNC s'est transformé en mirage pour les travailleurs indonésiens.
Il s'agissait de rénover le Nirwana, alors considéré comme l'un des meilleurs parcours de golf au monde. C'était aussi le premier projet de Trump en Indonésie, la première économie d'Asie du Sud-Est.
Mais en 2017, le complexe est fermé, et des centaines de salariés renvoyés.
Cinq ans plus tard, le parcours est abandonné, l'hôtel démoli et ses allées désertées, à l'exception d'un gardien qui fait le tour du site sur une voiturette et éloigne les touristes des buissons qui poussent çà et là.
Le site fantôme est bien loin de l'empire immobilier de luxe que Trump avait bâti avant de jeter son dévolu sur la Maison Blanche.
Mais le magnat de l'immobilier, qui a récemment fait savoir qu'il se présenterait à la Présidentielle américaine de 2024, avait déjà connu d'autres échecs colossaux.
Entre 1991 et 2009, six de ses projets d'hôtels et de casinos sur la côte est américaine ont sombré dans la banqueroute.
Pour couvrir les pertes de son premier fiasco, le Trump Taj Mahal à Atlantic City, ville réputée pour ses casinos au sud de New York, le milliardaire avait dû vendre son yacht, son jet privé et la moitié de ses parts.
- "Projet reporté" -
Pour son partenaire, le patron de MNC Hary Tanoesoedibjo, c'est la faute au Covid. Or le projet n'avait jamais pu démarrer, des années avant le début de la pandémie.
Edwin Darmasetiawan, directeur du département immobilier de MNC, ne considère pas "ce projet comme un échec, mais comme reporté".
A l'AFP, il explique ce report par des "problèmes financiers" et espère voir terminés d'ici deux ans des travaux qui n'ont pas encore commencé.
Il précise aussi se "concentrer désormais" sur le projet de développement touristique Lido, au sud de Jakarta, qui s'est déjà attiré son lot de controverses pour avoir exhumé d'anciennes tombes musulmanes, sans autorisation de la population locale.
Sollicitée sur le projet de Bali, la Trump Organization n'a pas souhaité faire de commentaire.
Sur l'île paradisiaque, un grand nombre de travailleurs ont perdu leur emploi après la décision du milliardaire d'abandonner le terrain.
"C'était dur, quand j'ai perdu mon job", témoigne encore Ditta Dwi, 26 ans, "beaucoup était en colère".
Les employés d'hôtel ont reçu une indemnité de licenciement, mais près de 150 "caddies" chargés de transporter les clubs de golf, n'ont perçu aucune compensation quand leurs contrats à durée déterminée ont été rompus.
La jeune femme touchait un salaire mensuel d'1,3 million de roupies (82 euros) mais elle pouvait certains mois empocher jusqu'à 900 euros grâce aux pourboires des riches golfeurs.
Elle ne perçoit désormais plus qu'un salaire du même montant, en tant que serveuse dans un petit restaurant voisin.
- "Passer à autre chose" -
Leurs vies ont été profondément affectées mais les anciens employés tentent d'oublier.
"J'ai juste laissé tomber. Il faut passer à autre chose", souffle la jeune serveuse.
"Nous devons continuer à vivre", estime aussi Pita Dewi, 52 ans, qui a travaillé pendant 18 ans au spa de l'hôtel.
Cette mère de famille a beaucoup "stressé" en perdant son travail. "J'avais 48 ans, comment pouvais-je trouver un nouveau métier?", se souvient la quinquagénaire qui gère maintenant le café de ses parents.
Mais avec une indulgence typique de Bali, les locaux ont décidé mettre de côté leurs ressentiments envers le milliardaire.
"Si nous le détestions, nous donnerait-il de l'argent" pour autant?, demande Pita Dewi.
(O.Agard--LPdF)